L’heure des femmes d’Adèle Bréau – janvier 2024

L’Heure des Femmes a été écrit par la petite fille de Ménie Grégoire, Adèle Bréau.

Tous les gens de mon âge se souviennent de l’émission radiophonique de Ménie Grégoire, sorte de courrier du cœur en direct, qui donna la parole aux femmes chaque après-midi entre 1967 et 1982. Le succès fut immense, les taux d’écoutes bien plus élevés que ce que tout le monde aurait pu imaginer, et Ménie Grégoire passa dans les mémoires comme la personne qui libéra la parole des femmes dans les années 70. Le moment était propice : dans la France d’après-guerre, les femmes avaient peu de droits, tout juste celui de voter (accordé en 1944) ou d’avoir un carnet de chèques à leur nom (accordé en 1965 aux femmes mariées) ! La loi qui autorise la contraception ne sera votée qu’en 1967 et celle qui légalise l’avortement en 1975. Autant dire que lorsque l’émission commence, beaucoup de femmes vivent encore sous le joug de leur mari et sont maintenues dans le rôle traditionnel de mère de famille nombreuse qui assure la gestion du foyer. Peu d’espoir de statut social en dehors du mariage.

L’anonymat de la radio va permettre à beaucoup de françaises de s’exprimer pour la première fois sur des sujets aussi tabous que la violence dans le couple, la conception hors mariage, l’inceste ou l’avortement entre autres. Après mai 68 et la création du MLF, c’est une vraie révolution de pensée qui va déferler sur la France. La lecture des milliers de lettres adressées à Ménie, conservées aux archives de Tours, permettront certainement à de nombreux sociologues d’étudier les mentalités dans la société d’après-guerre.

Nous avons quand à nous été divisées en ce qui concerne le personnage de Ménie. Il devient très vite évident qu’elle a très peu de choses en commun avec les femmes qu’elle conseille. Issue de la grande bourgeoisie, son mari est un haut fonctionnaire dont les relations lui ont facilité l’accès à ce poste très médiatique. Le livre nous raconte sa vie brillante, les réceptions parisiennes où se côtoient toutes les personnes connues ou célèbres, ses maisons de vacances et sa famille modèle. Tout va commencer à se fissurer lorsque Ménie deviendra victime de son propre succès, accaparée par son travail et sa renommée au point de négliger sa propre famille. Cette histoire est racontée en parallèle avec celle d’une autre famille très modeste qui va en quelque sorte être « sauvée » par l’écoute des conseils que Ménie dispense à la radio. Cette partie de l’histoire est pure fiction. Bien que mettant en scène des faits très réels comme l’immense désarroi d’une fille-mère confrontée à la dureté des lois, l’auteure ne peut s’empêcher de montrer une certaine condescendance envers ses personnages, et les plonge dans un méli-mélo romanesque qui devient un peu hors sujet….

En conclusion, nous n’avons pas réussi à discerner la véritable personnalité de Ménie : était-elle une opportuniste qui a beaucoup aimé la célébrité ? A-t-elle vraiment eu un effet sur la vie de ces femmes (les conversations à l’antenne ne duraient jamais plus de deux minutes) ? Etait-elle qualifiée pour jouer ce rôle (elle avait fait une thérapie personnelle mais aucune étude de psychologie)? A-t-elle été dépassée par son rôle ?

Le livre pointe sur le fait que malgré toutes les idées libertaires et égalitaires exprimées dans les années 60, les choses n’ont finalement pas tant changé dans les rapports hommes-femmes. Témoin le mouvement Me Too, les livres sur l’inceste qui se multiplient et les féminicides dont les chiffres n’ont jamais baissé. Les lois ont tout de même aidé les femmes à acquérir bien plus de liberté et d’indépendance.

Livre que nous recommandons, car il soulève bien des sujets de discussion !

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